Nativité

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lundi 10 mars 2014

En attendant le concile de l'Eglise Orthodoxe

Sur l’annonce de la tenue à la Pentecôte 2016 à Constantinople du concile pan-orthodoxe, j’ai une réaction partagée.

Car d’un côté je suis de ceux qui considèrent depuis longtemps que le travail de conciliarité inter-orthodoxe est indispensable et urgent. Les Eglises Orthodoxes ont vécu trop longtemps dans des mondes clos. Dans le livre que j’ai publié en 2011 « En attendant le concile de l’Eglise Orthodoxe » j’expliquais que le pourrissement des crises au sein du monde orthodoxe (conflit entre Moscou et Constantinople sur le leadership ; montée un peu partout des courants anti-œcuméniques et fondamentalistes ; schisme de l’Eglise orthodoxe ukrainienne et du patriarcat de Kiev, etc…) était toujours lié à l’absence d’une gouvernance inter-orthodoxe efficace.

Mais je suis très sceptique sur le choix qui a été avalisé à Constantinople de ne prendre des décisions que sur la règle de l’unanimité (chaque Eglise disposant d’un droit de veto). Lorsque nous avons organisé un colloque en 2012 à l’Institut saint Serge et au Collège des Bernardins sur le sujet du futur concile pan orthodoxe (cf revue Contacts n°243) nous avions constaté que la plupart des décisions pré-conciliaires qui ont été elles aussi prises à l’unanimité ont abouti à des non-choix (sur la célébration unifiée de la date de Pâques par exemple) alors que l’orthodoxie a besoin d’une profonde purification aujourd’hui. Dans la déclaration du Phanar on utilise aussi le terme de « consensus ». Mais je ne suis vraiment pas certain que les hiérarques orthodoxes ont une connaissance bien précise de ce que nous entendons en Occident par « technique du consensus ». En revanche comme le montre le conflit entre le patriarcat d’Antioche et le patriarcat de Jérusalem au sujet de la présence orthodoxe au Quatar les Eglises semblent vivre toujours au Moyen Age avec leur vision strictement territoriale de l’ecclésialité. 

De plus je constate que le choix a été fait de ne réunir que des évêques pour représenter les Eglises locales. Ceci est typique d’une mentalité cléricale et ce qui nous éloigne malheureusement du concile de l’Eglise russe de 1917 qui avait su intégrer les laïcs. On ne pourra pas vraiment appeler du terme de "concile" une réunion d'évêques ayant verrouillé dans leur coin tous les sujets à l'avance.


Enfin je suis surpris que cette synaxe de Constantinople n’ait fait aucune déclaration demandant au président Poutine de retirer ses troupes de l’Ukraine. Il y a même une phrase dans la déclaration sur l'Ukraine extrêmement ambiguë qui pourrait laisser entendre que les agresseurs ne seraient pas les troupes russes. Une sorte de copié-collé de l'argumentaire que l'Eglise russe a déjà utilisé pour légitimer l'annexion par la Russie d'autres régions telles que l'Ossétie du Nord par exemple. Les deux peuples orthodoxes les plus nombreux de la planète sont en situation de guerre et les hiérarques rassemblés ne prennent aucune initiative autre qu'une sainte prière! Dans ces conditions les chances pour qu’un concile panorthodoxe donne des fruits qui répondent aux vrais enjeux du monde contemporain sont donc actuellement très faibles. Chacun sait pourtant que le conflit inter-orthodoxe actuel portant sur l’octroi de l’autocéphalie (capacité pour une Eglise locale à élire son propre chef) a des conséquences directes sur la situation ukrainienne. Le patriarche Kirill de Moscou fait tout pour empêcher l’Eglise orthodoxe ukrainienne de se réunifier. Alors que par une simple décision les patriarches de Moscou et de Constantinople auraient pu permettre au patriarcat de Kiev et à l’Eglise orthodoxe ukrainienne de s’organiser en une seule Eglise autocéphale.